Pour en finir avec la repentance coloniale.
De Daniel Lefeuvre

. Prix éditeur: EUR 18,00
. Broché: 229 pages
. Editeur : Flammarion (19 Septembre 2006)
. ISBN: 2082104400
. Dimensions (en cm): 14 x 2 x 21

Table des matières

Comment on refait l'Histoire
Aux origines de la Shoah ?
Les années de misère
Du Palatinat à la Vendée
Civilisés, dites-vous
Le rêve " cotonial "
Le tonneau des Danaïdes
Le puits de la chance ?
Quand les immigrés venaient d'Europe
Qui a reconstruit la France après 1945 ?
Une Algérie clochardisée
Surveiller et punir ?
A mort les Christos !

 
     
 
Pour en finir avec la repentance coloniale
est le cri du coeur d'un spécialiste de l'Algérie coloniale, Daniel Lefeuvre.
 
 

Il répond avec des arguments d'historien à ceux qui dénoncent sans nuances le passé colonial de la France.
En se reportant aux sources, Daniel Lefeuvre bouscule les idées reçues, les mystifications et les erreurs qui polluent notre réflexion.
Pour en finir avec la repentance coloniale (Daniel Lefeuvre, Flammarion) Voilà plusieurs mois que monte en France un débat autour du passé colonial.
Daniel Lefeuvre y répond avec un essai court mais solidement argumenté : Pour en finir avec la repentance coloniale.

Spécialiste de l'Algérie coloniale, professeur à l'Université Paris-8 (Saint-Denis), il démonte avec les bons vieux outils de l'historien (analyse critique des sources et des chiffres, contexte, comparaisons historiques,...), les contrevérités, les trucages et les billevesées des anticolonialistes de salon qu'il appelle les «Repentants».
Anachronisme

Le premier péché des Repentants, selon l'historien, est l'anachronisme : il consiste à juger les événements du passé selon notre propre grille de valeurs, indépendamment du contexte. «Comment ne pas s'inquiéter des dangers dont cette conception de l'Histoire est porteuse ?» note Daniel Lefeuvre.

«Falsifier l'histoire, c'est tromper les citoyens, c'est fausser leur jugement», dit-il en prenant pour exemple la conquête de l'Algérie, dans laquelle certains, dont le président algérien Bouteflika, voient rien moins que le prélude des chambres à gaz !

Daniel Lefeuvre rappelle la triviale réalité : après la prise d'Alger en 1830, les Français se cantonnent sur le littoral et concluent des traités avec les chefs de l'intérieur. Mais la guerre sainte lancée par Abd el-Kader en 1839 les entraîne dans une longue et difficile conquête.

Plus important encore, il rappelle, preuves à l'appui, que les horreurs de la guerre d'Algérie (comme des autres guerres coloniales) n'avaient hélas rien d'exceptionnel. Le mépris de l'ennemi était au moins aussi grand dans les troupes républicaines qui combattaient les Vendéens en 1793.

 
 

Economie.

Daniel Lefeuvre montre que les colonies n'ont rien apporté à l'économie française et ont plutôt bridé son dynamisme. Tout juste ont-elles permis l'enrichissement de quelques sociétés et affairistes protégés par le gouvernement.

La principale exportation de l'Algérie était le vin, concurrent des vins métropolitains, déjà en surproduction. L'Afrique noire n'arrivait à exporter tant bien que mal qu'un peu de coton et de denrées tropicales, à des coûts bien plus élevés que sur les marchés mondiaux. Même le phosphate du Maroc coûtait plus cher à la France que celui disponible ailleurs.

L'historien craint en conclusion qu'à trop minimiser le processus d'intégration des Français originaires des anciennes colonies, on ne «persuade ces populations que la République s'est définitivement fermée à elles et qu'il leur faut donc chercher ailleurs les voies de leur réussite».

La repentance ne risque-t-elle pas en définitive de réussir là où les colonistes et les racistes d'antan ont échoué, en enfermant dans un statut de victimes les Français originaires des Antilles, d'Afrique du Nord ou d'Afrique noire et en les convainquant qu'il leur est impossible d'en sortir par leur effort personnel ?


 
         
 

De la repentance à l'Apartheid ?, par Olivier Pétré-Grenouilleau



Peut-on vraiment une France de l'Apartheid ? Si tel n'est pas le cas, alors cessons d'opposer les Fran çais en fonction de leurs origines par l'intermédiaire d'un passé déformé. Rompons avec une repentance coloniale qui ressasse et divise au lieu de guérir. Tel est le diagnostic formulé par Daniel Lefeuvre dans son bel essai. Celui d'un historien ayant décidé de se jeter dans l'arène, non pas pour satisfaire à quelque sensationnalisme, mais afin de montrer, tout simplement, que les choses sont souvent plus complexes qu'on ne l'imagine, et cela en puisant dans son domaine de spécialité : l'étude des relations franco-algériennes.


Nullement "nostalgique" d'une période coloniale dont il ne connaît que trop les excès, Lefeuvre prend d'emblée pour cible les "Repentants" qui mènent "combat sur les plateaux de télévision et dans la presse politiquement correcte". Substituant les mots au réel, le juste au vrai, écrit-il, ils tendent à fonder l'idée d'un continuum colonial et raciste entre une France d'hier et celle d'aujourd'hui. Le tout afin de "justifier une créance de la société" à l'égard des anciens colonisés et de "leurs descendants réels ou imaginaires". Or, écrit Lefeuvre, complexe et évolutive, la colonisation ne saurait être ramenée à une "nature" ou essence. Et d'ajouter que "les pères du régime républicain" n'ont pas "posé les fondations" d'un totalitarisme dont "le nazisme ne serait qu'un avatar dilaté".

Massacres coloniaux ? Oui, bien sûr, indique-t-il, mais l'Algérie ne fut jamais "tout entière et continûment à feu et à sang entre 1830 et 1871". L'effondrement démographique qu'elle connaît alors ne s'explique pas par les "enfumades", razzias et exécutions sommaires, atroces, réelles, connues et dénoncées dans les Chambres de l'époque, mais par l'emboîtement de crises (mauvaises récoltes, sauterelles, épidémies) aggravées par la désorganisation de l'économie traditionnelle. Spécifiques, les guerres coloniales, car premières à ne pas distinguer entre civils et militaires ? Mais quid des massacres de la guerre de Trente Ans, de la politique de la terre brûlée contre les camisards ou les Vendéens, ou d'une guerre d'Espagne ayant vu se lever la population contre les troupes napoléoniennes ? Dans sa liste, Lefeuvre aurait pu ajouter ces cités antiques vidées de leurs populations avant d'être rasées...

Corne d'abondance coloniale ? Dans les discours, sans aucun doute. Dans les faits, beaucoup moins, note Lefeuvre, soulignant que l'Empire joua un rôle marginal pour les importations de charbon, pétrole, coton, laine et soie. Que les produits agricoles venant des colonies étaient disponibles ailleurs. Et que, finalement, l'avantage consista à les payer plus cher, mais sans sortie de devises. Apport colonial décisif pendant la Grande Guerre ? Six millions de tonnes de marchandises furent importées des colonies, contre 170 de l'étranger, et, de 10,95 % des importations françaises avant guerre, l'Empire passa à 3,5 % pendant le conflit, du fait des limites de la marine nationale.

RACISME CULTURALISTE

Les coloniaux furent indispensables au relèvement de la France, et ils souffriraient, aujourd'hui, d'un ostracisme lié à l'héritage colonial. La reconstruction proprement dite s'achève en 1950-1951. La France d'alors en compte 160 000, soit, même à considérer qu'ils travaillaient tous, moins de 1 % de la population active totale. Empêchés d'intégration ? N'est-ce pas ainsi masquer qu'elle est heureusement en marche ? Et Lefeuvre de rappeler alors que celle des immigrés européens n'a pas forcément été plus facile. Près des deux tiers des Italiens et 42 % des Polonais sont repartis parce qu'ils étaient ou se sentaient rejetés. Quant aux autres, plusieurs générations ont souvent été nécessaires pour grimper les barreaux de l'échelle sociale. Et les clichés relatifs aux Africains d'aujourd'hui ne sont pas, écrit l'auteur, sans rappeler ceux dont on affublait les migrants européens quelques décennies plus tôt, voire les paysans français du siècle précédant. Enfin, réel, le racisme est désormais plus culturaliste et différentialiste et donc moins fondé que par le passé sur des critères physiques. Qu'il y ait des problèmes est une évidence. Mais vouloir les ramener uniquement à un héritage colonial, c'est se condamner à ignorer leurs vraies racines, à ne pouvoir les soigner, et, finalement, à "créer une France de l'Apartheid".

De tout cela on pourra évidemment discuter dans le détail tel ou tel point. Par ailleurs fallait-il être aussi direct vis-à-vis d'une "nébuleuse repentante" plus mise en avant que présentée ? Mais, utile, courageux, et pensé avec civisme, ce livre montre qu'il peut exister un espace entre repentance et "mission" colonisatrice (lesquelles renvoient toutes deux - est-ce un hasard ? - au même registre du théologique et du sacré) : celui de l'histoire et de l'historien. Car, à un moment où les mémoires deviennent traumatiques, l'histoire - une histoire assumée et dépassionnée - peut, aussi, être thérapeutique.

IN LE MONDE LE MONDE DES LIVRES | 28.09.06 | 16h45 |

 
 

Professeur d'histoire économique et sociale à l'université Paris VIII, spécialiste de l'Algérie coloniale, Daniel Lefeuvre publie un essai au titre choc : Pour en finir avec la repentance coloniale .
Le Figaro Magazine - Pourquoi cette vague de repentance à propos de l'histoire coloniale de la France ?


Daniel Lefeuvre - Amplifié à l'extrême ces cinq ou six dernières années, le phénomène tient moins à des questions historiques qu'à des problèmes politiques. Il est lié aux difficultés rencontrées par certains jeunes des banlieues à se faire une place dans la société. Il est lié aussi au malaise qu'ont ressenti des intellectuels français engagés dans le soutien au tiers-monde quand ils ont dû constater l'échec politique, économique, social et même culturel des nations anciennement colonisées. L'exemple de l'Algérie montre qu'une référence pervertie à l'héritage colonial permet aux dirigeants algériens de s'exonérer à bon compte de leurs responsabilités. En accusant la colonisation de tous les péchés du monde, on reporte sur le passé les difficultés du présent. En France, où les politiques d'intégration et de lutte contre le racisme montrent des limites, la stigmatisation du passé colonial est un exutoire facile, mais largement abusif.

Historiquement parlant, le projet colonial fut d'abord un projet républicain, avec un fort ancrage à gauche. Pourquoi l'avoir oublié ?

Parce que la gauche républicaine est passée d'un colonialisme pensé comme «devoir de civilisation» à un anticolonialisme imposé par le monde d'après 1945, sans examen de conscience des injustices que colportait le premier ni des naïvetés qui accompagnaient le second. Au XIXe siècle, si Jules Ferry est le praticien de la colonisation, Léon Gambetta en est le théoricien. Ces deux hommes, en effet, se situent à gauche de l'échiquier politique. A cette époque, le projet impérial n'est pas très populaire. Il est dénoncé par une partie de la droite. Les plus critiques sont les nationalistes, qui estiment que le projet colonial détourne les Français de la revanche sur l'Allemagne, et les économistes libéraux dont la pensée se retrouvera, soixante-dix ans plus tard, chez Raymond Aron. Les radicaux ne se rallient à la politique coloniale qu'à l'extrême fin du siècle, alors que les socialistes glissent du rejet du colonialisme à une politique de réformisme colonial.

Le basculement s'opère avec la Grande Guerre. La France fait appel à des soldats coloniaux qui constituent une force d'appoint certes secondaire, mais dont la valeur symbolique est très forte. Au lendemain de la guerre, les troupes coloniales, avec la Légion, sont les plus applaudies lors des défilés du 14 Juillet : une histoire d'amour s'est ouverte entre les Français et les coloniaux. La publicité de l'époque le sent bien, puisque la thématique coloniale y est très présente. Prenons l'exemple de Banania. Au départ, les boîtes s'ornent de l'effigie d'une Antillaise. En 1915, la marque lui préfère celle du célèbre tirailleur sénégalais. Pourquoi ? Parce que pour vendre du chocolat pour les enfants, il faut une image qui soit sympathique et rassurante. On peut juger aujourd'hui que l'effigie du tirailleur est paternaliste, qu'elle ne correspond pas à nos critères moraux, mais c'est un anachronisme que de la définir uniquement comme l'expression même du racisme. Jamais une marque allemande, au même moment, n'aurait affiché un Noir.

Messali Hadj, le père fondateur du nationalisme algérien, témoigne dans ses Mémoires de l'accueil chaleureux et de la considération dont les travailleurs algériens ont été l'objet dans la France des années 20. Cette page d'amour se prolonge jusqu'aux années 50. Un nouveau basculement a lieu avec la guerre d'Algérie, opérant de fait une rupture entre Français et Algériens. Mais le problème ne se pose pas de la même façon pour la Tunisie ou pour le Maroc, ou pour l'Afrique noire, où les indépendances ont été moins conflictuelles.

La France a-t-elle une dette envers les pays qui furent jadis ses colonies ?

La notion de dette n'a pas de sens dans ce contexte. On ne parle pas de dette de la France envers les Etats-Unis à propos du plan Marshall : or la France a donné à ses territoires coloniaux trois fois et demie plus que le montant du plan Marshall. Au moment de l'indépendance du Maroc, le dirigeant nationaliste Ben Barka affirme que le pays n'est pas en voie de développement, mais qu'il est «sur la voie du développement». Et tous ses amis du tiers-monde s'extasient devant lui sur le niveau d'infrastructure légué par la France.

Il n'y a pas de dette, mais une histoire commune. La colonisation a permis l'entrée dans les relations économiques mondiales des Etats qui ont été colonisés. La colonisation est un moment de la mondialisation du XIXe siècle, et le mode d'intégration de ces territoires à cette économie mondialisée. On dira que ce développement a été lacunaire, inégal, injuste. C'est vrai, mais il en a été de même en Occident : toute la France n'a pas basculé en même temps dans la modernité. La colonisation fut donc un moment de la mondialisation. Est-ce bien, est-ce mal, ce n'est pas le problème de l'historien.

IN FIGARO MAGAZINE SYLVIE PIERRE-BROSSOLETTE, JEAN SÉVILLIA ET JEAN-LOUIS TREMBLAIS.
Publié le 29 septembre 2006.
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